Sortir : Avant de participer à l'aventure Cabaret en 2006, vous aviez déjà vu le spectacle, le film ou lu le livre (Adieu Berlin) ?
Geoffroy Guerrier : Moi, j'avais été voir le film quand j'étais ado, et c'est vrai qu'il fait parti des chefs d'œuvre qui m'ont marqué.
Claire Pérot : Non, pas du tout ! Et même quand j'ai su que j'allais faire parti du spectacle, j'ai pas voulu savoir ce que les autres avaient fait avant. En fait, j'avais peur de l'influence que ça aurait sur moi, de ressentir une trop grande pression après avoir vu Liza Minelli dans le rôle de Sally Bowles... Je voulais pas que ce soit trop facile ou au contraire trop dur, donc j'ai fait avec ce que j'avais, sans regarder quoi que ce soit !

Sortir : Comment vous êtes-vous imprégné de cet "univers cabaret" ?
G. Guerrier :
On a lu des bouquins sur Berlin, la crise économique qu'elle a traversée... Et puis c'est vrai que j'ai vu plein de cabarets, mais celui-là est particulier !
C. Pérot : Il faut faire attention à une chose : le spectacle ne s'appelle pas "Le cabaret" mais "Cabaret", parce que c'est avant tout une histoire. Alors il y a certes l'aspect jouissif et vivant du musical à travers les musiques, les costumes et les danses, mais on parle surtout de sujets graves comme l'antisémitisme, la crise, la détresse d'un peuple... En fait le cabaret, c'est juste un prétexte pour parler de l'histoire. Les chansons racontent la vie du pays, du peuple, avec les thèmes de l'argent, de l'amour, de la déchéance de l'Homme...
 
Sortir : Vous pensez que cette histoire tragique est la raison du succès du musical ?
G. Guerrier :
Pour moi, ce n'est pas lié à ça. C'est vrai que les thèmes abordés, comme la crise économique, résonnent particulièrement à notre époque. Mais je pense que ce succès est avant tout lié au fait que Cabaret est une œuvre exceptionnelle et mythique, un peu comme West Side Story.
C. Pérot : En fait c'est un spectacle intemporel, c'est la vie de tout le monde, et les gens se sentent concernés par l'histoire, de près ou de loin. Donc oui, on peut venir voir le spectacle pour être touché par ça... ou alors pour en prendre plein les mirettes ! Mais je le répète, il ne faut pas s'attendre à voir un cabaret de type Lido ou Moulin rouge, ça n'a rien à voir !

Sortir : C'est Sam Mendès qui a revu la mise en scène en 93. Qu'a-t-il apporté de plus ?
C. Pérot :
Il a voulu revenir aux origines de l'histoire.
G. Guerrier : Je pense qu'il amène le théâtre justement, on retrouve grâce à lui la simplicité dans les décors et le reste...
C. Pérot : Il rend le spectacle plus accessible ! Ça joue beaucoup mais le contexte reste simple, très bien mis en lumière, limpide... On voit vraiment l'impact de l'homme de comédie !

Sortir : Vous l'avez d'ailleurs rencontré à l'occasion de la 100ème. C'était comment ?
C. Pérot :
Merveilleusement bien ! Cet homme est dans le travail simple, sein et humain, il a le goût pour la vérité des choses. Il nous disait : "ne cherchez pas à faire ce que vous pensez qu'on attend de vous, dites juste votre texte, et faites-vous confiance en tant qu'être humain". Il a compris que sans comédiens, les œuvres théâtrales n'existent pas.
G. Guerrier : Le soir où on savait qu'il était dans la salle, on a vraiment joué sur des œufs, parce qu'on avait un trac fou, on se demandait ce qu'il allait penser de notre jeu... Lors du salut final on était tous en larmes, parce qu'on n'avait jamais été aussi authentiques, c'était vraiment comme si on vivait l'histoire, qu'on était dans le four crématoire ! Après ça, Sam Mendès a débarqué en t-shirt dans nos loges pour féliciter tout le monde, aussi bien les comédiens que l'équipe technique, car c'est quelqu'un de très simple qui se soucie de tout le monde.
C. Pérot : Je me suis dit "quelle chance j'ai de travailler avec un monsieur comme lui" ! Alors quand je serai une vieille bique et que je repenserai à ces moments, je me dirai "Waouh, quel magnifique souvenir" ! On était tous très heureux.

Sortir : Vous avez joué ce spectacle pendant des années. Comment est l'ambiance dans la troupe ?
C. Pérot :
La reprise de Cabaret en 2011 (le spectacle s’était arrêté début 2008) nous a montré que maintenant y'a une réelle étoffe, on a une super ambiance dans le groupe, c'est plus épais dans les relations. Les thématiques du spectacle sont tellement dures, que nos rapports plus proches ont été bénéfiques, parce que forcément on est plus forts. Quand on est soudés et qu'on se connaît bien, ça profite au spectacle, c’est évident !

Sortir : Justement, ça n'a pas été trop difficile pour Emmanuel Moire, la dernière recrue, de s'intégrer ?
G. Guerrier :
C'est vrai qu'il est arrivé dans une famille déjà toute fabriquée, mais ça lui a pas fait peur et il s'est vite intégré.
C. Pérot : Avec les Américains (le staff), on n’a pas le temps de se poser de questions, car ça travaille encore et encore ! Au début on l'a même pas vu, parce qu'il bossait de son côté ses scènes de solo, et au final je ne l'ai découvert qu'au premier filage. Emmanuel assure comme une bête dans tous les domaines, et en plus de ça il est drôle et gentil, vraiment reconnaissant d'être là. C'est génial de l'avoir comme collègue et les choses sont très simples, on est devenu copains !