Sortir : Est-ce que tourner à New-York était une évidence ?

Cédric Klapisch : Non, j’ai pensé pendant huit ans tourner en Chine. J’étais parti du titre, en me disant qu’il fallait que ce troisième film ne se passe plus en Europe. Il fallait aller loin, que ça parle de la mondialisation. La Chine représente ça. Mais à partir du moment où j’ai pensé à New-York c’est devenu une évidence : c’était l’aboutissement idéal. New-York est certainement la ville la plus cosmopolite au monde, il y a toutes les cultures, toutes les langues. Pour trois films qui parlent de gens qui voyagent c’était logique de finir là-bas.

Sortir : Comment ont évolué vos acteurs durant toutes ces années qui séparent les deux derniers volets ?

C.Klapisch : Les quatre qui sont dans Casse-Tête chinois sont devenus des stars aujourd’hui. Audrey Tautou, Kelly Reilly, Romain Duris et Cécile De France. Ils font du cinéma à l’international et ils étaient tous inconnus dans l’Auberge Espagnole, c’est un gros changement. Cela fait plus de vingt ans que je connais Romain Duris et il est passé d’une nature intéressante à filmer à un acteur qui compose. C’est pareil pour Audrey Tautou et Cécile de France, et c’est impressionnant. Comme tous sont expérimentés, il y a un truc truculent dans le travail, jouissif, mais ils ont gardé une spontanéité. Pour moi c’est une sorte de cadeau.

Sortir : Il y a une partie autobiographique en filigrane ?

C.Klapisch : Xavier dans ce film n’est presque plus moi. La seule chose qui s’y réfère c’est que j’ai trois enfants dont deux avec une femme avec laquelle je ne vis plus. Je les vois une semaine sur deux et je m’identifie au fait d’être un père séparé. J’ai fait l’Auberge Espagnole parce que j’étudiais à l’étranger, mais au lieu de parler de New-York ou j’étais j’ai choisi Barcelone. Ma sœur avait fait Erasmus à Barcelone et je m’en suis inspiré. J’ai transposé ce que j’avais vécu. J’ai besoin de choses proches et sincères qui me sont arrivées mais aussi d’être décalé,  de distance et de proximité.

Sortir : L’Auberge Espagnole est un film très générationnel, est-ce que Casse-Tête Chinois s’adresse aux quarantenaires d’aujourd’hui ?

C.Klapisch : Chacun y trouve des choses. Souvent on me dit que je suis un réalisateur générationnel. Ce n’est pas quelque chose qui est conscient et volontaire, c’est juste que je regarde autour de moi. Dans ce film je pensais parler de Wendy et Xavier ensemble, finalement ils sont séparés. Ça correspond à une réalité que le cinéma retransmet assez mal. C’est un problème contemporain, j’en suis témoin et fabrique des histoires avec.

Sortir : C’est finalement un film assez optimiste sur le fait de vieillir, qui dédiabolise la crise de la quarantaine.

C.Klapisch : Le film précédent était pessimiste car les effets de la crise économique sont durs. Je ne voulais pas mentir sur la dureté du contraste social. Dans celui-ci je dis oui la vie est dure mais on s’arrange. On a tendance à présenter la crise de la quarantaine comme quelque chose de négatif. Mais comme dirait Heigel, « tout néant est néant de ce dont il résulte ». Quand on met tout par terre quelque chose de nouveau nait. On est dans ce moment socialement, il y a beaucoup de choses qui ne vont pas parce qu’on est entre deux mondes, entre la fin d’une logique et le début d’une autre. J’espère qu’au moment où on aura trouvé une autre logique il y aura quelque chose de plus humain.