Sortir : Pourquoi un film sur le music-hall, les années 30…
Christophe Barratier :
L’idée de base ne consistait pas à faire un film sur le music-hall ou le Front Populaire. Ce qui m’intéresse, c’est de raconter une histoire avec des personnages rattachés à une certaine réalité d’aujourd’hui, avec le souci d’universaliser les choses. Ce qui me plairait, c’est que l’émotion suscitée par mon film soit la même dans 30 ans ! Après évidemment, placer l’histoire dans un tel cadre, c’est voulu et agréable, mais il n’y a pas d’arrière-pensées nostalgiques là-dedans. Par exemple, le quartier où se déroule le film n’est pas situé précisément afin que chacun puisse l’assimiler comme son faubourg : le but était de ne pas céder au côté urbain, de le placer plutôt à la frontière avec la banlieue pour en faire une place idéaliste.

Sortir : Il n’empêche que ces deux thèmes restent au cœur du film…
C. Barratier :
Le cadre du music-hall me plaisait car il donne sa dimension poétique au film… et puis, d’un point de vue visuel et cinématographique, c’est particulièrement intéressant. Après, je ne connaissais pas bien les années 30, c’était vraiment merveilleux de pouvoir se replonger dans l’atmosphère de l’époque.

Sortir : Une période également riche en Histoire…
C. Barratier :
1936, c’est d’un côté l’émancipation sociale et de l’autre les grands nuages du fascisme et du nazisme annonciateurs de la guerre… C’est aussi cette image touchante de ces ouvriers qui voient la mer pour la première fois. Et puis cette camaraderie, cette solidarité bon enfant symbolisées par les grèves, où on se cotisait les uns les autres, où les femmes préparaient le repas pour tout le monde. Des valeurs moins à la mode aujourd’hui, qui pourtant montraient qu’une réussite peut être collective… D’un autre côté, on retrouve également dans le film la haine, le communautarisme, un traditionalisme qui font peur, en résurgence à l’heure actuelle.

Sortir : C’est votre premier film de « l’après Choristes ». Facile à gérer ?
C. Barratier :
C’est toujours compliqué pour un réalisateur après un tel succès, mais pas autant qu’après un échec (sourire). J’ai refusé de nombreuses commandes, ça ne m’intéressait pas… En fait, j’étais persuadé que mon salut viendrait de ma capacité à créer une histoire. Je suis mieux à même de donner le meilleur sur scène avec ma propre histoire.

Sortir : Tournage à Prague, personnages d’un autre temps, plutôt sympa pour un acteur ?
Gérard Jugnot :
C’est là le propre de ce métier : le plaisir de changer de peau, de parler d’un autre à travers une époque, de retrouver certaines valeurs… et d’autant plus dans un film tel que celui-là, avec un lieu, des décors et une ambition immenses. Le cinéma, c’est montrer la vie telle qu’on voudrait qu’elle soit.

Kad Merad : Et puis c’est encore plus beau lorsque l’on voit le film. Ça fait vraiment plaisir de s’y voir. Un tour de manége de deux heures pour quatre mois et demi de tournage !

Sortir : Et pour ce qui est de pousser la chansonnette ?
Kad Merad :
On chantait déjà tous dans la voiture, mais bon là, il a fallu travailler un peu ! Tous les jours pendant deux mois, on a vu des coachs, pour la chanson comme pour la chorégraphie, plus une chanteuse lyrique et un pianiste avec qui on a travaillé à fond. En fait, on a tout enregistré avant le tournage, d’ailleurs c’était plutôt sympa d’entrer en studio et de s’écouter ensuite…

Clovis Cornillac :
Ouais sauf que lui, il était animateur musicien avant, donc il était déjà plus ou moins initié, alors que Gérard et moi… (rires). Sérieusement, trois types comme nous qui ne sommes pas chanteurs, comme les trois gaillards du film, ça ajoutait à la crédibilité de l’histoire. Du moment qu’on est à peu près juste, ça passe !