Sans internet ni informations, difficile, il y a plus de trente ans, de connaître beaucoup de choses de Donald et de son parcours. Aussi quand, Eckhart Bauer commence à utiliser le volatile dans ses travaux, c'est sans bien mesurer la portée de sa démarche. Une démarche dont il ne déviera jamais, accompagné des étudiants de ses débuts, au fil de trente ans d'une production riche et multiple. Car l'idée de Bauer et de ses complices se veut aussi simple que diablement maligne : et si, avant la civilisation humaine, une société de canards avait grandi, occultée aujourd'hui par ses grands frères humains ? De ce prétexte presque farcesque, les artistes ont fait un leitmotiv qui leur permet subtilement de revisiter l'histoire de l'art... vue par les canards.

A Lille, passée une introduction présentant Donald et les traces de la présence de canard dans l'histoire, toute une série d'oeuvres du collectif (dont 4 réalisées spécialement pour l'exposition) sont réparties dans les collections permanentes du musée. Au visiteur de partir à la chasse pour débusquer ces intrus inattendus dont les images ponctuent presque tous les espaces, de l'art flamand à l'art moderne, de l'Antiquité à la Renaissance. Subtile, la réussite d'Interduck et de ce deuxième Open Museum naît de la rencontre entre le regard du promeneur, l'oeuvre 'canardesque' et ses voisines bien réelles. Car cette traque amusée suscite une curiosité discrète pour les autres œuvres du musée que le chasseur innocent (re)découvre sans bien s'en rendre compte. Derrière la blague, c'est la qualité de la démarche d'Interduck (dont les détournements sont tous réalisés avec le même sérieux que les originaux et pour qui l'art est loin d'être une farce) et la pertinence de la proposition muséale du Palais des Beaux-Arts qui se révèlent en invitant à plonger dans la richesse des collections tout en s'amusant. Une alchimie rare qui devrait encore se vérifier lors du week-end de la Nuit des Musées via toute une série de propositions destinées notamment au jeune public.