On entame cette chronique avec les livres photographiques, ou comment porter un autre regard sur la région. Les éditions Light Motiv publient un ouvrage sublimissime, regroupant les incroyables clichés de Naoya Hatakeyama, venu dans le bassin minier entre 2009 et 2010, résidence financée par le collectif Les Lieux, puis exposition organisée par le Centre Historique Minier de Lewarde. L'un des plus remarquables photographes japonais contemporains a donc traversé la planète pour poser son objectif au pied, au sommet, autour des Terrils, offrant une vision sensible, intérieure de ces paysages miniers, leur donnant parfois un air d'ailleurs, sans oublier l'histoire des lieux. Poétiquement, à l'image de ses photos, Naoya Hatakeyama explique au centre de l'ouvrage pourquoi il est important d'inscrire la mémoire sur pellicule, ce qu'il ressent aussi à escalader ces terrils. « Les terrils sont des montagnes tombées du ciel. Or, seuls les dieux seraient susceptibles de faire tomber des montagnes du ciel. C'est peut-être pourquoi, lorsqu'on se tient au sommet d'un terril, l'histoire nous semble être un mythe. » Et plus loin : « un peu essoufflé, si on regarde au loin, ici et là, on aperçoit d'autres terrils qui ont la même forme que celui sur lequel on se trouve. (…) Les terrils semblent se dresser pour faire l'éloge de tout ce qui a été extrait de la terre, a été brûlé, s'est dispersé dans l'atmosphère. Sur ces hauteurs, des hommes se tiennent debout. Tout petits, ils sont au sommet de cette grande histoire. N'est-ce pas là justement une scène mythique ? »

Autres clichés qui sortent de l'ordinaire, les Panoramiques en Nord-Pas de Calais, vus par Michel Legay (Pourparler éditions, 23,90€). Visions à 180°, impossible à l'oeil nue, d'une foule de carnavaleux à Dunkerque, des corons d'Auchel, de la vue sur le Mont Noir à Bailleul, des grand'places de Cambrai, de Lille, ou d'Arras, du Moulin à eau du Grand-Fayt, des fortifications de Vauban... Mais aussi des clichés plus inattendus : la colline de Notre Dame de Lorette, usinor et le bassin maritime de Dunkerque, cité Foch à Hénin Beaumont, un blockhaus sur la route des caps et un champ de colza dans le Boulonnais, le LaM de Villeneuve d'Ascq, partie en briques et moucharabiehs. Une façon d'avoir une vue d'ensemble inédite, tout en prêtant attention aux petits détails. S'intercalent des textes explicatifs, descriptifs, informatifs, sur les différentes partis de la région, autour des capitales du Hainaut, de la mine au Louvre-Lens, les pays des caps, ou l'éternelle Flandre. Un ouvrage qui réjouira tant les touristes de passage que les résidents de longue date, chacun apprendra quelque chose sur le Nord-Pas de Calais, région chamarrée !

 

Roubaix à l'accordéon, LE festival roubaisien autour du piano à bretelles qui attire chaque année des visiteurs plus nombreux, et chaque fois ravis. Pour l'édition 2011, un événement de taille, la sortie d'un livre disque, voyage musical conté. L'Histoire du petit Paolo (Les films du Nord), inspiré de la légende de Paolo Soprani. L'Italien fait connaissance avec l'accordéon lorsqu'il est enfant, en 1863. Fasciné par l'instrument magique amené par un pèlerin accueilli par sa famille, il le démonte la nuit avec son frère. Le pèlerin laisse l'instrument, Paolo a trouvé sa vocation, devenant fabricant d'accordéon, et musicien hors pair. Le destin de Paolo et de l'accordéon, intimement liés, vont basculer ! Un livret joliment illustré accompagne un DVD : on y découvre, émerveillé, le film inspiré du conte musical, un documentaire, et en bonus, un petit court métrage. Un régal !

 

Éric Pintus, conteur nordiste à la voix rocailleuse, participe à un ouvrage collectif, un livre disque offrant une nouvelle version de l'histoire de Peter Pan, savoureux texte de Jean-Pierre Kerloc'h adapté du livre originel de Barrie, superbes (comme toujours) illustrations d'Ilya Green, le tout raconté sur CD par notre conteur, qui a mis le texte en musique, avec sa voix et des morceaux de Charles Mingus. Rencontre à l'occasion de la sotie de Peter Pan & Wendy (Didier Jeunesse, 23,50€)

 

Sortir : Un ouvrage collectif, comment avez-vous travaillé ?

Éric Pintus : Chacun dans son coin ! Jean-Pierre Kerloc'h est à l'origine de l'aventure avec l'écriture. Moi, on m'a donné le texte pour le mettre en bouche, et tandis que j'enregistrais dans le studio, Ilya Green se lançait dans l'illustration. Chacun a réalisé un travail personnel. S'approprier le texte, c'est mon travail de comédien, ça a été un jubilation de le faire !

 

S : Pourquoi avoir choisi la musique de Charles Mingus ?

É. Pintus : Parce que j'adore ! Je n'ai pas vraiment d'autre explication ! Étant directeur artistique, je ne pouvais pas faire dans la variété pop. Le classique, je ne m'y connais pas suffisamment. J'aime cette idée de faire partager le jazz aux enfants, ce qui n'est pas évident. Et c'est vrai que ça fonctionne bien avec le texte, j'en étais persuadé, je savais que ça marcherait entre Charles Mingus, et Peter Pan dont je suis également un grand amoureux.

 

S : Une version de Peter Pan un peu différente...

É. Pintus : Le choix d'adaptation du texte de Barrie est tout à fait respectable, axé sur Wendy et ses frères. Même s'il me manque des choses sur les enfants perdus et les pirates... J'aime l'idée que l'ont renvoie les gens à l'oeuvre Peter Pan, finalement peu lue. Tout le monde a lu la version de Disney, et vu Peter Pan habillé de cette façon ridicule. Une méchante arnaque, propre et bien pensante ! La dernière phrase de Barrie, les enfants joyeux, innocents et sans coeur, j'y tenais ! Les enfants ne sont pas que de jolies créatures qui nous embellissent. Je le sais, j'ai justement un de ces énergumène chez moi ! Barrie connaissait la réalité d'un enfant. Avec Mmingus, c'est la même chose, je veux donner envie aux gens d'aller écouter du jazz ! Ilya Green, avec ses dessins, dépoussière également Walt Disney, montrant enfin autre chose, un univers nocturne. Le côté obscur, elle le rend bien.

 

Bonus : deux ouvrages pour en savoir plus sur les traditions de nos régions :

Tout sur la bière (Gallimard, 19,90€) avec Melissa Cole. Il est vrai que l'experte est britannique, mais cette bièrologue de talent commence par nous rappeler comment est fabriquée la boisson la plus consommée au monde, avant d'expliquer comment la goûter et la déguster. Dans sa sélection des meilleures bières du monde, entrecoupée de passionnantes explications et références historiques, nos chères mousses belges occupent une place de choix ! Un joli tour du monde pétillant, aux couleurs ambrées, blanches, brunes ou blondes (à consommer modérément, bien sûr!)

 

 

 

 

 

 

Un portrait du boulonnais à l'aube du XXème siècle, voilà ce que dessine Françoise Bourdon dans son ouvrage La Cour aux Paons (Presses de la Cité, 19,50€) 1899 : on suit deux femmes dans le petit village de Desvres. Flore, la blonde aux yeux gris et à la démarche claudicante, qui consacre sa vie aux chevaux, et la brune Esther, à la beauté saisissante, qui travaille Au Saint-Éloi, l'estaminet familial, flanqué de son traditionnel gallodrome. Héritages, histoire d'amour, on suit la vie des jeunes filles jusqu'à la Première Guerre mondiale. Vie au quotidien et portrait de femmes.