Il est loin en effet le temps où les graffeurs étaient considérés exclusivement comme des vandales, pourchassés par les forces de l’ordre et honnis par le cercle très fermé des galeries d’Art et musées. Aujourd’hui, une poignée d’entre eux tient le haut du pavé de ce qui se nomme désormais street art, ou plus consensuellement « art urbain ». Leurs productions, autrefois considérées comme des dégradations, ont acquis le statut d’œuvres à part entière, excitent conservateurs, galeristes, collectionneurs et affolent le marché. Conscient de cet attrait grandissant, Nicolas Laugero Lasserre, collectionneur aguerri d’art contemporain, a réuni une soixantaine d’œuvres.
La quintessence de cette collection est exposée pour marquer l’ouverture de la maison de ventes Vasari Auction, et attention, il y a du beau monde : les historiques du mouvement comme les valeurs montantes sont là : Blek Le Rat, Pure Evil et Speedy Graffito côtoient Rero, Swoon ou Dran, entourés des superstars  du genre, Banksy, Invader, Shepard Fairey ou J.R.  Collage, mosaïque, sérigraphie, photo, dessin, peinture se mêlent dans une ambiance irrévérencieuse mais pas badine. Car les sujets abordés, même à haute teneur humoristique,  restent hautement politisés : ici, l’art parle de clivages sociaux, de  pauvreté, de la société de consommation, de l’âme humaine et de ses travers, de sa lumière et de ses noirceurs aussi. Que le trait soit épuré ou ciselé à l’extrême, le message est toujours direct, frappe comme un uppercut. On se demande parfois ce que ces enfants de la balle ont gardé de la rue, berceau de leur art ; ici la réponse se lit sur les murs : l’art de lancer des pavés dans les mares.