Sortir : Pourquoi avez-vous crée Titeuf ?
Zep :
J'avais envie d'aborder tous les sujets des sujets de société en réaction à la bande dessinée des années 90. Je travaillais chez « Spirou » et on ne pouvait pas en parler. Ras le bol de la tradition des personnages enfantins dans la BD, auquel on prêtait des propos d'adulte ! J'avais envie de voir de quelle manière un enfant perçevait le monde des adultes, avec ces mots à lui. Je voulais parler de chômage, de sida, des relations parents/enfants, de la manière dont l'enfant perçoit ses parents. Entre le quatrième et le sixième album, on a commencé à parler de Titeuf comme le héros des cours de récré. Les enfants veulent qu'on ne les prennent pas pour des cons. La vie, c'est pas Walt Disney !

Sortir : Comment imposer un tel projet à un éditeur dans les années 90 ?
Zep :
Glénat était déjà un éditeur adulte, donc je n'ai pas eu besoin de resserrer le ton. C'était une période où il n'y avait pratiquement plus d'enfants lecteurs de BD. Même les séries enfants qu'on trouvait chez des éditeurs spécialisés comme Dupuis, étaient plutôt lus par des adultes qui étaient nostalgiques des grandes années de Spirou. La BD exploitait cette nostalgie, elle était plombée par un français impeccable.

Sortir : Les répliques de Titeuf, c'était une révolution dans la BD !
Zep :
Quand j'étais enfant,on sortait des mots qui pouvaient être interdits,  comme « momosexuel », « pédé » des mots qu'on comprenait pas, genre « spéculatif ». On l'entendait et on se disait que ça devait être dégueulasse. C'est un vrai plaisir d'écriture, la langue française c'est une espèce de boîte de jeux, faut la bousculer.

Sortir : Titeuf peut-il grandir ?
Zep :
Et faire de la politique ! (rires) Je ne pense pas. Même s'il essaie de comprendre l'actualité qui l'entoure. Une série dérivée pourrait être drôle, mais l'adolescence est bien moins vaste que l'enfance. Même si c'est toujours tentant, puisqu'on se dit qu' après tout, il est tout près. S'il faisait un pas de plus il y serait et il pourrait enfin tester plein de trucs. Il a envie de sortir avec Nadia mais devant le fait accompli, il serait complètement perdu.

Sortir : Comment garder un oeil sur son bébé quand il passe à la télé et bientôt par le cinéma (sortie en 2010, NDLR) ?
Zep :
La série, je la supervise de loin. C'est un processus industriel, où 150 personnes bossent dessus en Asie. C'est très frustrant de leur laisser. En signant, j'acceptais une esthétique formatée du dessin pour la TV.  Et le doublage, dans l'absolu, on ne préférerait pas l'entendre ! C'est pour ça que des auteurs refusent de voir leurs univers brutalisés. Mais j'avais besoin de tenter l'expérience. Il faut accepter la transposition mais je ne l'accepterais pas sur le film. Je ferais tout pour que ça reste un vrai film d'auteur !

 

² Le magazine consacré à Titeuf et son univers.